Crypter l'intime et l'afficher. Le Soleil

JOSIANNE DESLOGES 

(Québec) En ces jours de course électorale où l'espace public est saturé de pancartes et de slogans tapageurs, un tout autre type de bannière, poétique celui-là, a été affiché à l'arrière du Théâtre de la Bordée. Il s'agit d'une oeuvre de Nadia Myre et de Karen Elaine Spencer, inspirée de la pièce Frozen, présentée ces jours-ci de l'autre côté du mur.

La grille de formes bleues et blanches s'appelle Frozen Blue et, en regardant plus attentivement, on peut y discerner des lettres, des mots. Après avoir lu le texte dramatique, Myre et Spencer ont échangé sur les caractères des personnages qui se transforment, qui passent du vrai au faux, et sur cette idée d'être frigorifié à l'intérieur. De leur discussion est né le poème caché dans la bannière.

En cryptant son message, Spencer essaie de déplacer le regard du spectateur dans la marge des choses, explique Nadia Myre. «Nous faisons un peu la même chose. Cacher des mots. Dire et ne pas dire, être difficiles à lire.»

L'artiste algonquine a numérisé le travail graphique de sa collègue, comme elle le fait avec ses propres tissages de perles. «Ça rend l'image plus matérielle, on dirait», note celle dont on peut voir Meditations in Red dans l'exposition sur les autochtones C'est notre histoire au Musée de la civilisation. Elle est présentement au Mexique pour réaliser un projet de Land Art avec Sonia Robertson et Sophie Kurtness au festival Cumbre Tajin, qui s'articule autour de l'identité autochtone.

Il s'agit du premier projet d'art public pour la Galerie des arts visuels (GAV) de l'Université Laval, qui a eu un appui financier du cycliste, artiste et homme d'affaires Louis Garneau. «Nous voulions montrer que nous étions une entité qui ne se limite pas aux quatre murs de l'espace d'exposition, mais que nous pouvions développer un échange, une réflexion sur l'art, et s'inscrire dans notre milieu», indique Lisanne Nadeau, responsable de la GAV, qui a invité Nadia Myre à poursuivre son Scar Project, une oeuvre relationnelle sur les blessures de notre inconscient collectif et les cicatrices qu'elles laissent sur chacun, cet automne.

L'oeuvre hivernale, qui sera visible jusqu'au 11 avril, affiche plutôt une réflexion intime qu'elle brandit bien haut, tel un drapeau flottant sur le quartier Saint-Roch.